Vers un Marketing Vert : une question de soutenabilité

Dans un monde où les crises environnementales et sociales s'intensifient, les entreprises se trouvent à un carrefour décisif : comment aligner les objectifs commerciaux avec les impératifs du développement durable ?

C'est une question qui m'accompagne depuis plusieurs années et qui est devenue le moteur de ma réflexion sur l'avenir du marketing.

Le développement durable, tel qu'il a été défini pour la première fois dans le rapport Brundtland de 1987, vise à répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Ce concept est plus qu'une simple notion environnementale ; il met en avant l'importance cruciale du capital naturel et la nécessité d'équilibrer les ressources économiques, humaines et naturelles à notre disposition.

Crises multiples et soutenabilité : les transformations nécessaires

Les catastrophes socio-environnementales que nous vivons aujourd'hui, qu'il s'agisse d'inondations, de feux de forêt ou de pollutions massives, rappellent l'urgence de repenser notre relation avec l'économie, l'environnement et la société. Le marketing, en tant que levier stratégique, a un rôle crucial à jouer dans cette transformation.

Deux concepts opposés se dessinent dans la théorie de la soutenabilité : la soutenabilité faible et la soutenabilité forte. La première proposée par des économistes comme Solow (1974) et Hartwick (1977), repose sur l'idée que les ressources naturelles peuvent être remplacées par d'autres types de capital, qu'il soit humain ou technologique. Cette vision optimiste soutient que tant que la somme totale des capitaux est maintenue, le développement est durable.

De l’autre côté, la soutenabilité forte, défendue par des chercheurs comme Daly, insiste sur le fait que certaines fonctions du capital naturel sont irremplaçables et que des seuils critiques ne doivent pas être franchis. Cette approche met l'accent sur la préservation des écosystèmes et des ressources naturelles pour garantir un avenir viable.

Quelle soutenabilité choisir pour un Marketing Durable ?

La soutenabilité faible, bien que dominante dans les rapports d'entreprises actuels, présente des limites. En effet, les méthodes qui y sont liées telles que les compensations, ne peuvent pallier toutes les formes de dégradations environnementales, à l’image des déséquilibres structurels d’écosystèmes entiers. La soutenabilité forte offre un cadre certes plus sûr mais plus restrictif qui entre en conflit avec des organization structurelle dont la transition vers un modèle durable nécessite un modèle incrémental.

La destruction d’écosystèmes marins liée à la surpêche, notamment avec la pratique du chalutage de fond, montre la dualité des théories de la soutenabilité.

Cette méthode qui racle les fonds marins, détruit les habitats benthiques (faune et flore vivant au fond de la mer) et perturbe les chaînes alimentaires marines. Le chalutage à grande échelle, particulièrement pratiqué par des bateaux industriels, a conduit à des déséquilibres écologiques majeurs, vidant des zones entières de leurs ressources halieutiques.

Claire Nouvian, fondatrice de l’association Bloom, souligne que « l’océan est notre allié mais pourrait rapidement devenir notre ennemi » si les pratiques destructrices continuent sans réglementation stricte. Selon elle, ces pratiques ne nuisent pas seulement à la biodiversité marine, mais mettent aussi en péril l’avenir des pêcheurs artisans qui dépendent de ressources durables​.

Cette analyse des déséquilibres de l’écosystème marin lié au chalutage relève donc à la fois de la soutenabilité faible qui protège le capital naturel par du capital institutionnel, légal. Cependant, au-delà des considérations purement légales malheureusement souvent contournées, le point de basculement qui pousserait à la destruction de l’écosystème, prévaut. Une approche de soutenabilité forte est dans ce cas avancée.

La mobilisation des deux théories est donc fondamentale. Lorsque la première permet une accélération des solutions de mitigation et d’adaptation au changement climatique, la seconde intègre des valeurs extra-économiques, notamment la notion de limites planétaires, dans les stratégies marketing. Il ne s'agit ainsi plus seulement de répondre à des besoins économiques, mais de créer des stratégies ancrées dans un réalisme socio-écologique.

Une inscription dans une démarche plus large

Le marketing durable ne consiste donc pas seulement à verdir les pratiques existantes. Il nécessite une refonte profonde de notre approche, où les principes de soutenabilité, qu'ils soient faibles ou forts, sont intégrés de manière cohérente. Ensemble, nous avons le pouvoir de transformer le marketing en un outil de transition vers un avenir plus juste et respectueux de l'environnement.

Cet article s’inscrit dans une série qui explore les chemins “vers un marketing vert”, le fondement de la création de PERMARKETING et de sa méthodologie. Je vous invite donc à plonger dans cette réflexion pour imaginer un futur où marketing et développement durable se renforcent mutuellement.

Sources:

Daly, H. E. (1990). "Toward some operational principles of sustainable development." Ecological Economics, 2(1), 1-6.

Hartwick, J. M. (1977). "Intergenerational equity and the investing of rents from exhaustible resources." American Economic Review, 67(5), 972-974.

Morrone, D. (2018). "The influence of sustainable development on marketing theory."

Solow, R. M. (1974). "The economics of resources or the resources of economics." American Economic Review, 64(2), 1-14.

https://www.vigieecolo.fr/2024/05/claire-nouvian-la-sequestration-du-vivant-par-une-poignee-de-personnes-doit-cesser.html

https://www.politis.fr/articles/2023/07/oceans-claire-nouvian-bloom-ocean-est-notre-allie/

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